S'il était bien une chose que Jakob savait le mieux faire, c'était de préparer le thé. Même si le vieux Gunter trouvait toujours quelque chose à lui redire, son "élève" n'en demeurait pas moins fier des différentes variétés qu'il faisait profiter à son seigneur. Cette boisson subtile était sa spécialité, et en concocter était un véritable plaisir, si bien qu'il était actuellement en train d'en faire dans les cuisines du château.

Dans des gestes qui lui étaient familiers, il apporta calmement son meilleur service à thé sur le charriot, et la théière fumante juste à côté. En le chargeant, il eut la drôle impression d'entendre des voix dans les couloirs. Pensant d'abord que son imagination lui jouait des tours, il débarrassa la table sans prêter une oreille attentive à d'éventuels autres bruits, à l'extérieur. En outre, il n'avait pas le temps de s'en soucier, car sa liqueur préférée risquait de tiédir s'il traînait trop. Erreur de débutant qu'il ne commettait plus depuis des années.

Sans prendre la peine de la pousser complètement, il ouvrit la porte avec son charriot qui émit un grincement infernal. Pestant intérieurement contre ce petit désagrément, il finit accéder aux longs couloirs du château avec leur interminable tapis pourpre. La rangée de fenêtres, baignées dans une triste mais pourtant douce lumière du jour de Nohr, mit alternativement à l'ombre et au soleil le majordome qui poussait son charriot, sans trop d'efforts.

Arrivé à une intersection, il entendit cette fois très distinctement de l'agitation. Des cris.

« — Mais quel est donc tout ce raffut ? »


Il pressa le pas, puis tourna la tête du côté de la provenance de ce vacarme ... avant de constater avec stupeur qu'une bête, au pelage roux et aux oreilles pointues bondissait dans sa direction. Deux bonnes lui couraient après, avec leur balai à la main. Visiblement, elles cherchaient à l'attraper, mais fatiguées de leur course poursuite, elle s'arrêtèrent. Jakob ignorait comment ce drôle d'intrus s'était introduit ici, mais une chose était sûre, c'est qu'il allait l'empêcher d'aller plus loin.

« De grâce, attrapez-leee ! » avait crié l'une d'entre elles en agitant ses bras comme une dérangée.
« — Pff, inutile de hurler ainsi ! » s'exclama-t-il, d'une voix tout aussi forte.


L'animal arriva à sa hauteur, et ce fut à cet instant que le majordome se saisit d'un de ses couteaux dissimulé sous sa queue de pie, et le lança d'un geste très furtif. La lame scinda l'air avant de se planter devant les pattes de cette espèce de renard, l'arrêtant dans sa course. Il put enfin remarquer qu'il s'agissait d'une race particulière, auquel le jeune homme avait déjà eu affaire par le passé, lors de leur conquête en Hoshido.

Souvenirs peu plaisants.

« — Mais c'est ... un Kitsune ? » fit-il en fronçant les sourcils.

Comment s'était introduit cet animal Hoshidien ? C'était à croire que la sentinelle faisait très mal leur travail ! Étrangement, il n'avait pas l'air d'avoir de mauvaises intentions, mais on n'était jamais trop prudent. Il pouvait être un espion, même si la paix avait été signée entre Nohr et Hoshido.

« — Par où êtes-vous entré ? Répondez ! » ordonna-t-il en s'armant d'un autre couteau.


Jakob espérait seulement ne pas avoir affaire à une infiltration, commanditée par des ennemis de Nohr...