On ne dit pas que la chanteuse est belle, on serait même tentés de la qualifier de banal à première vue mais il suffit d'un timide sourire pour qu'elle devienne jolie. Sélène possède des courbes douces et harmonieuses souvent drapées d'un tissus rouge soulignant ses formes. Les pierres ornant sa tenue sont du même bleu que ses yeux. Ses cheveux noirs descendent à mi-hauteur de son dos, tel un rideau de soie. Vous la croiserez peut-être dans la rue, petite silhouette couvrant son corps d'une étole, les yeux baissés. Peut-être que vous verrez la tension de ses traits à travers son visage fermé. Ou peut-être aurez vous la chance de la voir sous son meilleur jour. Comme elle chante, ses yeux brillent, semblables aux eaux des lacs bleus, reflétant la lumière. Comme elle danse, son corps s'anime, porté par un cœur qui s'enflamme. Vive ou sensuelle, ses mouvements sont fluides, harmonieux. Mais cela ne dure que le temps d'une chanson, puis la danse s'achève.

Sélène est une personne très secrète.  Elle parle rarement de ses rêves,  de ses centres d'intérêts (autre que la danse et le chant) et encore moins de son passé et si vous lui demandez, elle se montrera évasive, prétextant que cela vous lassera rapidement tout en cherchant un moyen de recentrer la conversation sur autre chose… Enfin, si elle ne se défile pas. Car la demoiselle a une fâcheuse tendance à fuir les situations embarrassantes comme lorsqu'il y a un silence gêné, chose qui arrive bien souvent car elle a dû mal a tenir une conversation. Ses réponses sont souvent brèves et peut-être sèches mais sans le vouloir.

De nature timide et méfiante, elle se réfugie dans sa tour d'ivoire et écoute les gens parler autour d'elle. Il peut se passer un long moment avant que la jeune femme s'ouvre un peu aux autres. Surmonter son mal aise en présence d'autres personnes l'épuise rapidement. Donc la plupart du temps, elle préfère fuir, retournant à sa solitude, par facilitée plus que par réelle intention. Au fond d'elle, la chanteuse envie tout ces gens sociables, même si elle préfère se dire qu'elle n'aime ni la foule ni les groupes.

Une part d'elle cherche l'approbation et l'admiration d'une foule de gens tandis qu'une autre part d'elle préfère rester dans l'ombre rassurante de l'anonymat. Si marcher au milieu d'une foule la rend nerveuse, l’angoisse, le simple fait de chanter et de danser l'en libère. C'est ce qui lui permet de s'exprimer, de communiquer d'une certaine façon avec les autres. Désespoir, passion, envoûtement. Ses peurs sont remplacer par un plaisir grisant. Elle n'a plus peur d'être elle même. Mais dès que la danse s'achève, que le chant se tait, son angoisse monte brutalement au point même d'éprouver un sentiment de panique certaine fois.

Si la demoiselle est d'un naturel calme, elle est loin d'être patiente. Elle abandonne vite après s'être essayer à quoi que ce soit, persuadée d'être incapable de réussir à faire autre chose que chanter et danser.

La jeune femme peut se montrer a étonnement têtue et d'une fierté proche de l’orgueil. Sélène a beaucoup de mal à reconnaître ses erreurs et à demander pardon. Elle tient à se débrouiller sans l'aide de personne, même si cela la conduit dans des mauvaises situations et a du mal à concéder le fait qu'elle puisse avoir besoin d'aide même si elle n'est plus une enfant. Et il faut vraiment qu'elle se retrouve au pied du mur pour se résoudre à demander de l'aide.

Si l'on bafoue les valeurs auxquelles elle croit, les réactions de la douce Sélène peuvent être violentes. Car sous ses airs de jeune fille sage se cache une idéaliste passionnée. Elle ne supporte pas de voir des actes de cruautés sans éprouver le besoin d'intervenir.

Le souvenir du drame à Cyrkensia hante son esprit, même après des années. La jeune femme ne peut pas s'empêcher de penser qu'elle aurait dû faire quelque chose au lieu de fuir, mais la peur l'avait paralysée. C'est en partie pour cela que Sélène s'est entraînée à manier une arme. Pour ne plus ressentir de nouveau ce sentiment d'impuissance.

La vie est fragile, comme la flamme d'une bougie, il suffit d'un rien pour quelle vacille et s'éteigne. Et elle peut prendre fin au moment où l'on s'y attend le moins. L'absence éprouve cruellement les cœurs endeuillés. Il ne reste plus de l'être aimé que des souvenirs d'un bonheur lointains et des larmes amères.

Nous étions enfants quand notre mère est morte lors de son troisième accouchement. Je garde pourtant des souvenirs précis. Je revois encore la douceur de ses traits, la grâce de chacun de ses mouvements. J'entends encore son rire claire et sa voix rassurante. Je m'imagine encore, enveloppée dans ses bras maternelles. Je rêve parfois que nous sommes de nouveau ensemble, tout les quatre. J'aimerais m'abandonner a ce rêve fou. Mais la réalité du présent est toujours là pour nous rappeler que la vie continue malgré tout.

Dix ans… cela fait maintenant dix ans quelle nous a quittée. Beaucoup de choses sont arrivées en dix ans. On dit souvent que le temps guérit les blessures mais on ne dit pas que le temps peut aussi détruire. La douleur, loin de s'apaiser, a emportée progressivement notre père, nous laissant moi et ma petite sœur, livrées à nous même. On se retrouvait à mendier dans les rues quand chanter ne suffisait pas.

Ce n'est pas le souvenir d'un quotidien miséreux qui fait mal mais celui de son père, se noyant dans son chagrin et dans l'alcool. Lorsque nous l'avions trouvées mort un matin, le soulagement plutôt que la peine m'avait envahie. Il était partit rejoindre mère, il ne souffrait plus. Nous étions orphelines mais cela n'importait plus. Nous étions deux. On s'en sortait tant bien que mal.

Je prenais mon rôle d'aînée très à cœur même si au final, ce fut grâce à ma sœur que nos conditions de vie changèrent. Elle se liait très vite avec les autres et ce faisant, nous nous sommes retrouvés sous la protection de Lana, une chanteuse ainsi qu'une danseuse expérimentée.

Lana nous avait initiées à la danse, ainsi que l'art de conter des histoires oralement. Elle nous avait apportés beaucoup de choses. Son savoir, un foyer. Nous étions heureuses. Heureuses et loin de se douter que Nestra, terres neutres, allait être un véritable champs de bataille. La scène de la guerre Hoshidienne-Nohrienne allait être plus précisément dans la ville de Cyrkensia.

Une représentation était donnée en l'honneur de son hôte : Garon, roi de Nohr. Nous étions censées y aller toutes les trois mais Lana dû me ramener chez nous peu avant le début. J'avais été prise d'un malaise dans la foule compacte, le brouhaha et la chaleur de la salle.

Je m'étais endormie quelques minutes lorsque la porte s'ouvrit brusquement sur notre protectrice et amie. Affolée, elle me hâta de fuir. Je n'avais pas compris toutes ses explications mais dans ma confusion, une pensée s'imposa à mon esprit.
- Où est ma sœur ? Où ? Elle a réussie à sortir?

Je courrais pieds-nus dans les rues sombres. J'avais peur. La peur d'arriver trop tard, peur du mal qu'ils pourraient lui faire. Faites qu'elle ait réussie à s'enfuir.
La scène qui se déroulait devant mes yeux me stoppa net. Des corps inertes de chanteuses jonchaient le sol. Je reculais prudemment dans l'obscurité tout en sondant les alentours. Mon cœur rata un battement lorsque je la vis. Ses yeux éclatants de vie, éteints à jamais. C'était surréaliste. Non, c'était absurde ! Pourquoi ? Pourquoi ?!

Je voulais crier mais je n'arrivais pas à émettre le moindre son.
J'étais tellement focalisée sur ma défunte sœur que je n'avais pas remarquée les prisonnières, jusqu’à ce qu'un homme en abatte une en émettant un rire écœurant. Puis encore une autre. Pourquoi font-ils ça ? N'y a t-il personne pour arrêter leurs folie ? Toutes ces innocentes…

Une voix impérieuse l'arrêta. Ça s'arrêtait enfin. Mon regard se posa sur l'homme qui venait d'intervenir. Un jeune homme aux cheveux blonds. Une aura indescriptible semblait se dégager de lui.

- Prince Leo ? … Je vois comme vous voudrez.
Je vis abattre une danseuse avec effroi. Non… Pas encore. Pourquoi faisait-il cela ? Mes yeux croisèrent les siens. Froids, implacables, dénués d'émotions.
Non… Arrêtez. Par pitié !
- Arrêtez !

N'y tenant plus j'avais crier. Ils étaient aussi surpris que moi. Je serais restée pétrifiée sur place si une main ne m'avait pas attraper le poignet, m’entraînant à sa suite. C'était Lana. Au bout de quelques temps, on se sépara pour mieux semer nos poursuivants…
Ce fut la dernière fois que je la vis. Peut-être avait-elle réussie comme moi à fuir et avait déjà quitter la ville ? Mais j'avais un faible espoir.

Ce que j'ai vu cette nuit là s'est graver dans mon esprit. J'étais seule désormais. Seule en proie à la douleur, submergée par la tristesse. J'avais perdue la seule chose qui compte pour moi. J'avais perdue ce qui restait de ma famille sans pouvoir faire quoi que ce soit. Incapable de rester dans la ville avec de tels souvenirs, je voyageais à travers tout Nestra. Je me serrais effondrée sous le poids du chagrin et de la culpabilité si la colère ne m'avait pas pousser à tenir encore. Tenir jusqu’à ce que justice soit faite, jusqu'à ce que ces meurtriers paient
.
J'aurais dû me sentir soulagée que la guerre se finisse sans que Nestra se trouve davantage impliquée. J'aurais du me réjouir qu'il n'y ait pas eu plus de victimes dans notre pays. Mais la colère ne s'apaisa pas. Les responsables vivaient encore. Je voulais leurs rappeler leurs crimes, lire la culpabilité dans leurs visages avant de mettre fin à leurs vies.

Le principale commanditaire étant mort, il restait encore cet homme. Ainsi que les autres enfants royaux si je me souviens bien. Le plus jeune prince de Nohr sera le premier. C'est avec ce but que je parcours Nohr en tant que chanteuse itinérante. Il faut que je travaille encore plus dur pour me faire connaître. Ce qui pourrait me permettre de m'approcher de lui. Je dois être prête à saisir n'importe quelle occasion.